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- F o r m e d u
C o n t r a t S o c i a l
d e l ' H o m m e e t
d e l a F e m m e .
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- Nous N. et N, mus par notre propre volonté, nous unissons pour le terme de notre vie, et pour la durée de nos penchans mutuels, aux conditions suivantes: Nous entendons et voulons mettre nos fortunes en communauté, en nous réservant cependant le droit de les séparer en faveur de nos enfans, et de ceux que nous pourrions avoir d'une inclination particulière, reconnoissant mutuellement que notre bien appartient directement à nos enfans, de quelque lit qu'ils sortent, et que tous indistinctement ont le droit de porter le nom des pères et mères qui les ont avoués, et nous imposons de souscrire à la loi qui punit l'abnégation de son propre sang. Nous nous obligeons également, au cas de séparation, de faire le partage de notre fortune, et de prélever la portion de nos enfants indiquée par la loi; et, au cas d'union parfaite, celui qui viendroit à mourir, se désisteroit de la moitié de ses propriétés en faveur de ses enfans; et si l'un mouroit sans enfans, le survivant hériteroit de droit, à moins que le mourant n'ait disposé de la moitié du bien commun en faveur de qui il jugerait à propos.
Voila à peu-près la formule de l'acte conjugal dont je propose 'exécution. À la lecture de ce bizarre écrit, je vois s'élever contre moi les tartufes, les bégueules, le Clergé et toute la séquelle infernale. Mais combien il offrira aux sages de moyens moraux pour arriver à la perfectibilité d'un gouvernement heureux! j'en vais donner en peu de mots la preuve physique. Le riche Epicurien sans enfans, trouve fort bon d'aller chez son voisin pauvre augmenter sa famille. Lorsqu'il y aura une loi qui autorisera la femme du pauvre à faire adopter au riche ses enfans, les liens de la société seront plus resserrés, et les murs plus épurées. Cette loi conservera peut-être le bien de la communauté, et retiendra le désordre qui conduit tant de victimes dans les hospices de l'opprobre, de la bassesse et de la dégénération des principes humains, où, depuis longtemps, gémit la nature. Que les détracteurs de la saine philosophie cessent donc de se récrier contre les murs primitives, ou qu'ils aillent se perdre dans la source de leurs citations.
Je voudrais encore une loi qui avantageât les veuves et les demoiselles trompées par les fausses promesses d'un homme à qui elles se seroient attachées; je voudrois, dis-je, que cette loi forçât un inconstant à tenir ses engagements, ou à une indemnité proportionée à sa fortune. Je voudrais encore que cette loi fût rigoureuse contre les femmes, du moins pour celles qui auraient le front de recourir à une loi qu'elles auraient elles-mêmes enfreinte par leur inconduite, si la preuve en était faite. Je voudrais, en même temps, comme je l'ai exposée dans Le Bonheur primitif de l'Homme, en 1788, que les filles publiques fussent placées dans des quartiers désignés. Ce ne sont pas les femmes publiques qui contribuent le plus à la dépravation des murs, ce sont les femmes de la société. En restaurant les dernières, on modifie les premières. Cette chaîne d'union fraternelle offrira d'abord le désordre, mais par les suites, elle produira à la fin un ensemble parfait.
J'offre un moyen invincible pour élever l'âme des femmes; c'est de les joindre à tous les exercices de l'homme: si l'homme s'obstine à trouver ce moyen impraticable, qu'il partage sa fortune avec la femme, non à son caprice, mais par la sagesse des lois. Le préjugé tombe, les murs s'épurent, et la nature reprend tous ses droits. Ajoutez-y le mariage des prêtres; le Roi, raffermi sur son trône, et le gouvernement français ne saurait plus périr.
Il était bien nécessaire que je dise quelques mots sur les troubles que cause, dit-on, le décret en faveur des hommes de couleur, dans nos îles. C'est là où la nature frémit d'horreur; c'est là où la raison et l'humanité, n'ont pas encore touché les âmes endurcies; c'est là surtout où la division et la discorde agitent leurs habitants. Il n'est pas difficile de deviner les instigateurs de ces fermentations incendiaires: il y en a dans le sein même de l'Assemblée nationale: ils allument en Europe le feu qui doit embraser l'Amérique. Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les péres et les fréres; et méconnaissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang. Ces Colons inhumains disent: notre sang circule dans leurs veines, mais nous le répandrons tout, s'il le faut, pour assouvir notre cupidité, ou notre aveugle ambition. C'est dans ces lieux les plus près de la nature, que le pére méconnaît le fils; sourd aux cris du sang, il en étouffe tous les charmes; que peut-on espérer de la résistance qu'on lui oppose? la contraindre avec violence, c'est la rendre terrible, la laisser encore dans les fers, c'est acheminer toutes les calamités vers l'Amérique. Une main divine semble répandre par tout l'apanage de l'homme, la liberté; la loi seule a le droit de réprimer cette liberté, si elle dégénère en licence; mais elle doit être égale pour tous, c'est elle surtout qui doit renfermer l'Assemblée nationale dans son décret, dicté par la prudence et par la justice. Puisse-t-elle agir de même pour l'Etat de la France, et se rendre aussi attentive sur les nouveaux abus, comme elle l'a été sur les anciens qui deviennent chaque jour plus effroyable! Mon opinion serait encore de raccommoder le pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif, car il me semble que l'un est tout, et que l'autre n'est rien; d'où naîtra, malheureusement peut-être, la perte de l'Empire Français. Je considère ces deux pouvoirs, comme l'homme et la femme qui doivent être unis, mais égaux en force et en vertu, pour faire un bon ménage.
Il est donc vrai que nul individu ne peut échapper à son sort; j'en fais l'expérience aujourd'hui. J'avais résolu et décidé de ne pas me permettre le plus petit mot pour rire dans cette production, mais le sort en a décidé autrement: voici le fait:
L'économie n'est point défendue, surtout dans ce temps de misère. J'habite la campagne. Ce matin à huit heures je suis partie d'Auteuil, et me suis acheminée vers la route qui conduit de Paris à Versailles, où l'on trouve souvent ces fameuses guinguettes qui ramassent les passants à peu de frais. Sans doute une mauvaise étoile me poursuivait dès le matin. J'arrive à la barrière où je ne trouve pas même le triste sapin aristocrate. Je me repose sur les marches de cet édifice insolent qui recelait des commis. Neuf heures sonnent, et je continue mon chemin: une voiture s'offre à mes regards, j'y prends place, et j'arrive à neuf heures un quart, à deux montres différentes, au Pont-Royal. J'y prends le sapin, et je vole chez mon imprimeur, rue Christine, car je ne peux aller que là si matin: en corrigeant mes épreuves, il me reste toujours quelque chose à faire, si les pages ne sont pas bien serrées et remplies. Je reste à-peu-près vingt minutes; et fatiguée de marche, de composition et d'impression, je me propose d'aller prendre un bain dans le quartier du Temple, où j'allais diner. J'arrive à onze heures moins un quart à la pendule du bain; je devais donc au cocher une heure et demie; mais, pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 sols: il exige plus, comme d'ordinaire, il fait du bruit. Je m'obstine à ne vouloir plus lui donner que son dû, car l'être équitable aime mieux être généreux que dupe. Je le menace de la loi, il me dit qu'il s'en moque, et que je lui payerai deux heures. Nous arrivons chez un commissaire de paix, que j'ai la générosité de ne pas nommer, quoique l'acte d'autorité qu'il s'est permis envers moi mérite un dénonciation formelle. Il ignorait sans doute que la femme qui réclamait sa justice était la femme auteur de tant de bienfaisance et d'équité. Sans avoir égard à mes raisons, il me condamne impitoyablement à payer au cocher ce qu'il demandait. Connaissant mieux la loi que lui, je lui dis: Monsieur, je m'y refuse, et je vous prie de faire attention que vous n'êtes pas dans le principe de votre charge. Alors cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcené s'emporte, me menace de la Force si je ne paye à l'instant, ou de rester toute la journée dans son bureau. Je lui demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie, ayant à me plaindre de son coup d'autorité. Le grave magistrat, en rédingotte poudreuse et dégoûtante comme sa conversation, m'a dit plaisamment: cette affaire ira sans doute à l'Assemblée nationale? Cela se pourrait bien, lui dis-je; et je m'en fus moitié furieuse et moitié riant du jugement de ce moderne Bride-Oison, en disant: c'est donc là l'espèce d'homme qui doit juger un Peuple éclairé! On ne voit que cela. Semblables aventures arrivent indistinctement aux bons Patriotes, comme aux mauvais. Il n'y a qu'un cri sur les désordres des sections et des tribunaux. La justice ne se rend pas; la loi est méconnue, et la police se fait, Dieu sait comment. On ne peut plus retrouver les cochers à qui l'on confie des effets; ils changent les numéros à leur fantaisie, et plusieurs personnes, ainsi que moi, ont fait des pertes considérables dans les voitures. Sous l'ancien régime, quel que fût son brigandage, on trouvait la trace de ses pertes, en faisant un appel nominal des cochers, et par l'inspection exacte des numéros; enfin on était en sûreté. Que font ces juges de paix? que font ces commissaires, ces inspecteurs du nouveau régime? Rien que des sottises et des monopoles. L'Assemblée nationale doit fixer toute son attention sur cette partie qui embrasse l'ordre social.
P. S.
Cet ouvrage était composé depuis quelques jours; il a été retardé encore à l'impression; et au moment que M. Talleyrand, dont le nom sera toujours cher à la postérité, venant de donner son ouvrage sur les principes de l'éducation nationale, cette production était déjà sous la presse. Heureuse si je me suis rencontrée avec les vues de cet orateur! Cependant je ne puis m'empécher d'arréter la presse, et de faire éclater la pure joie, que mon cur a ressentie à la nouvelle que le roi venait d'accepter la Constitution, et que l'Assemblée nationale - que j'adore actuellement, sans excepter l'abbé Maury et la Fayette est un dieu - avait proclamé d'une voix unanime une amnistie générale. Providence divine, fais que cette joie publique ne soit pas une fausse illusion! Renvoie-nous, en corps, tous nos fugitifs, et que je puisse avec un peuple aimant, voler sur leur passage; et dans ce jour solennel, nous rendrons tous hommage à ta puissance.
(14 septembre 1791)
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