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B  I  B  L  I  O  T  H  E  C  A    A  U  G  U  S  T  A  N  A

 

 

 

 
Olympe de Gouges
1748 - 1793
 


 






 




P r o j e t  
d ' u n   s e c o n d   t h é â t r e
e t   d ' u n e   m a t e r n i t é


1789

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Visite d'Olympe de Gouges
à l'hôpital de Nantes



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P r o j e t  
d ' u n e   m a t e r n i t é

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      Mais ce qui m'intéresse particulièrement et qui touche de près tout mon sexe, c'est une Maison particulière, c'est un Établissement à jamais mémorable qui manque à la France. Les femmes, hélas trop malheureuses et trop faibles, n'ont jamais eu de vrais protecteurs. Condamnées dès le berceau à une ignorance insipide, le peu d'émulation qu'on nous donne dès notre enfance, les maux sans nombre dont la Nature nous a accablées, nous rendent trop malheureuses, trop infortunées pour que nous n'espérions pas qu'un jour les hommes viennent à notre secours. Ce jour fortuné est arrivé.
      Ô citoyens! Ô Monarque! Ô ma Nation! Que ma faible voix puisse retentir dans le fond de vos cœurs! Qu'elle puisse vous faire reconnaître le déplorable sort des femmes. Pourriez-vous en entendre le récit sans verser des larmes? Lequel d'entre vous n'a point été père, lequel d'entre vous n'est point époux? Lequel de vous n'aura point vu expirer sa fille ou son épouse dans des douleurs ou dans des souffrances cruelles?
      Quels maux sans nombre les jeunes demoiselles éprouvent pour devenir nubiles? Quels tourments affreux les femmes ne ressentent-elles pas quand elles deviennent mères? Et combien y en a-t-il qui y perdent la vie?
      Tout l'art ne peut les soulager et souvent on voit des jeunes femmes après avoir souffert jour et nuit des douleurs aiguës, expirer entre les bras de leurs accoucheurs et donner la vie en mourant à des hommes dont, jusqu'à ce moment, aucun ne s'est occupé sérieusement de témoigner le plus petit intérêt à ce sexe trop infortuné, pour les tourments qu'ils lui ont causés.
      Les hommes n'ont rien négligé, rien épargné pour se procurer particulièrement des secours humains. Ils ont fondé plusieurs Établissements, les Invalides aux Militaires, la Maison de Charité des Nobles, et celle des Pauvres.
      Cette même humanité doit aujourd'hui les rendre généreux et protecteurs de ce sexe qui gémit depuis longtemps, qui est confondu dans des circonstances désastreuses avec les derniers des humains. Ce sexe, dis-je, trop malheureux et sans cesse subordonné, il me prie, il m'engage, il me presse de demander à la Nation une Maison de Charité particulière, où il ne soit reçu que des femmes.
      Cette Maison ne devrait être consacrée qu'aux femmes de militaires sans fortune, à d'honnêtes particuliers, à des négociants, à des artistes: en un mot pour toutes les femmes qui ont vécu dans une honnête aisance et qu'un revers de fortune prive de tout secours. Le chagrin souvent les entraîne aux portes du trépas, ou des maladies qui les mettent hors d'état de se faire soigner chez elles. On les porte à l'Hôtel-Dieu et une femme bien élevée se trouve parmi des mendiants, avec des filles de mauvaises mœurs, ou des gens du peuple de tout état: le seul nom d'Hôtel-Dieu doit les effrayer et lorsque leur vue fixe ce triste tableau, elles implorent la mort plutôt que les secours de cette Maison.
      Il faut un Hôpital pour le peuple et, en établissant une Maison de Charité pour les femmes honnêtes, on déchargera l'Hôtel-Dieu, déjà trop surchargé. Quel est l'édifice qu'on peut élever, plus favorable à l'humanité, si ce n'est une Maison de Charité pour les femmes souffrantes et bien élevées?
      Je vais retracer une conversation d'un Député des États Généraux. Son avis était qu'il n'était plus nécessaire d'utiliser des barrières et on demanda ce qu'on ferait des murailles et des superbes édifices élevés pour loger des commis.
      - Ils tomberont d'eux-mêmes, répondit-il.
      - Et que fera-t-on de toutes ces pierres?
      - Des Hôpitaux bien simples et plus salutaires à toute l'humanité.
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      Je réclame donc quelques-unes de ces pierres, en faveur des femmes les plus intéressantes de la société. Ce ne sont point des appartements somptueux, des lambris dorés que les femmes bien élevées attendent de l'humanité et de la générosité de la Nation: c'est une espèce d'Hôpital, auquel sans doute on ne donnera point de titre répugnant: mais une Maison simple dont la propreté fera tout le luxe.
      Voilà ce que les femmes essentielles doivent attendre des hommes instruits et choisis par la Patrie. Qui ne donnera pas sa voix pour cet Établissement? Qui s'opposerait, sans prouver qu'il est à la fois mauvais frère, fils ingrat et père dénaturé?
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      Eloignés de vos maisons, de vos filles, de vos épouses, pourriez-vous méconnaître la nature et oublier tout ce que vous devez aux femmes? Non. Elles ne peuvent que vous intéresser. Les grandes affaires qui vous occupent pourront peut-être vous empêcher de porter tout de suite votre attention sur cet Établissement; mais une fois l'État libéré et la Constitution solidement établie, vous donnerez à l'humanité souffrante, à la Nature, tout ce que vous devez à l'une et à l'autre.
 
 
 
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