B  I  B  L  I  O  T  H  E  C  A    A  U  G  U  S  T  A  N  A
           
  Voltaire
1694 - 1778
     
   


D i c t i o n n a i r e
p h i l o s o p h i q u e ,
p o r t a t i f


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     B A P T Ê M E .

     Baptême, mot grec qui signifie immersion. Les hommes, qui se conduisent toujours par les sens, imaginèrent aisément que ce qui lavait le corps lavait aussi l'âme. Il y avait de grandes cuves dans les souterrains des temples d'Égypte pour les prêtres et pour les initiés. Les Indiens, de temps immémorial, se sont purifiés dans l'eau du Gange, et cette cérémonie est encore fort en vogue. Elle passa chez les Hébreux: on y baptisait tous les étrangers qui embrassaient le loi judaïque, et qui ne voulaient pas se soumettre à la circoncision; les femmes surtout, à qui on ne faisait pas cette opération, et qui ne la subissaient qu'en Éthiopie, étaient baptisées; c'était une régéneration: cela donnait une nouvelle âme, ainsi qu'en Égypte. Voyez pour cela Épiphane, Maimonide et la Gemare.
     Jean baptisa dans le Jourdain, et même il baptisa Jésus, qui pourtant ne baptisa jamais personne, mais qui daigna consacrer cette ancienne cérémonie. Tout signe est indifférent par lui-même, et Dieu attache sa grâce au signe qu'il lui plaît de choisir. Le baptême fut bientôt le premier rite et le sceau de la religion chrétienne. Cependant les quinze premiers évêques de Jérusalem furent tous circoncis; il n'est pas sûr qu'ils fussent baptisés.
     On abusa de ce sacrement dans les premiers siècles du christianisme, rien n'était plus commun que d'attendre l'agonie pour recevoir le baptême. L'exemple de l'empereur Constantin en est une assez bonne preuve. Voici comme il raisonnait: Le baptème purifie tout; je peux donc tuer ma femme, mon fils et tous mes parents; après quoi je me ferai baptiser, et j'irai au ciel; comme de fait il n'y manqua pas. Cet exemple était dangereux; peu à peu la coutume s'abolit d'attendre la mort pour se mettre dans le bain sacré.
     Les Grecs conservèrent toujours le baptême par immersion. Les Latins, vers la fin du huitième siècle, ayant étendu leur religion dans les Gaules et la Germanie, et voyant que l'immersion pouvait faire périr les enfants dans des pays froids, substituèrent la simple aspersion, ce qui les fit souvent anathématiser par l'Église grecque.
     On demanda à saint Cyprien, évêque de Carthage, si ceux-là étaient réellement baptisés, qui s'étaient fait seulement arroser tout le corps. Il répond dans sa soixante-seizième lettre, que «plusieurs Églises ne croyaient pas que ces arrosés fussent chrétiens; que, pour lui, il pense qu'ils sont chrétiens, mais qu'ils ont une grâce infiniment moindre que ceux qui ont été plongés trois fois selon l'usage.»
     On était initié chez les chrétiens dès qu'on avait été plongé; avant ce temps on n'était que catéchumène. Il fallait, pour être initié, avoir des répondants, des cautions, qu'on appelait d'un nom qui répond à parrains, afin que l'Église s'assurât de la fidélité des nouveaux chrétiens, et que les mystères ne fussent point divulgués. C'est pourquoi, dans les premiers siècles, les gentils furent généralement aussi mal instruits des mystères des chrétiens que ceux-ci l'étaient des mystères d'Isis et d'Éleusine.
     Cyrille d'Alexandrie, dans son écrit contre l'empereur Julien, s'exprime ainsi: «Je parlerais du baptême, si je ne craignais que mon discours ne parvînt à ceux qui ne sont pas initiés.»
     Dès le second siècle, on commença à baptiser des enfants; il était naturel que les chrétiens désirassent que leurs enfants, qui auraient été damnés sans ce sacrement, en fussent pourvus. On conclut enfin qu'il fallait le leur administrer au bout de huit jours, parce que, chez les Juifs, c'était à cet âge qu'ils étaient circoncis. L'Église grecque est encore dans cet usage. Cependant, au troisième siècle, la coutume l'emporta de ne se faire baptiser qu'à la mort.
     Ceux qui mouraient dans la première semaine étaient damnés, selon les Pères de l'Église les plus rigoureux. Mais Pierre Chrysologue, au cinquième siècle, imagina les limbes, espèce d'enfer mitigé, et proprement bord d'enfer, faubourg d'enfer, où vont les petits enfants morts sans baptême, et où les patriarches restaient avant la descente de Jésus-Christ aux enfers; de sorte que l'opinion que Jésus-Christ était descendu aux limbes, et non aux enfers, a prévalu depuis.
     Il a été agité si un chrétien dans les déserts d'Arabie pouvait être baptisé avec du sable: on a répondu que non; si on pouvait baptiser avec de l'eau rose: et on a décidé qu'il fallait de l'eau pure, que cependant on pouvait se servir d'eau bourbeuse. On voit aisément que toute cette discipline a dépendu de la prudence des premiers pasteurs qui l'ont établie.