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- P r i v i l è g e
pour la machine d'arithmétique
de M. Pascal
- Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à nos amez et feaux Conrs les gens tenans nos Cours de Parlement, Mes des Requestes Ordinaires de nostre hostel, Baillifs, Senechaux, Prevots, leurs Lieu tens et tous autres nos justiciers et officiers qu'il appartiendra, salut.
Notre cher et bien amé le Sr Pascal nous a fait remontrer qu'à l'invitation du Sr Pascal, son père, nostre Consr en nos conseils, et président en notre Cour des Aydes d'Auvergne, il auroit eu, dès ses plus jeunes années, une inclination particulière aux sciences Mathématiques, dans lesquelles par ses études et ses observations, il a inventé plusieurs choses, et particulièrement une machine, par le moyen de laquelle on peut faire toutes sortes de supputations, Additions, Soustractions, Multiplications, Divisions, et toutes les autres Règles d'Arithmétique, tant en nombre entier que rompu, sans se servir de plume ni jettons, par une méthode beaucoup plus simple, plus facile à apprendre, plus prompte à l'exécution, et moins pénible à l'esprit que toutes les autres façons de calculer, qui ont été en usage jusqu'à présent; et qui outre ces avantages, a encore celuy d'estre hors de tout danger d'erreur, qui est la condition la plus importante de toutes dans les calculs.
De laquelle machine il avoit fait plus de cinquante modèles, tous differens, les uns composez de verges ou lamines droites, d'autres de courbes, d'autres avec des chaisnes les uns avec des rouages concentriques, d'autres avec des excentriques, les uns mouvans en ligne droite, d'autres circulairement, les uns en cones, les autres en cylindres, et d'autres tous différens de ceux-là, soit pour la matière, soit pour la figure, soit pour le mouvement: de toutes lesquelles manières différentes l'invention principale et le mouvement essentiel consistent en ce que chaque rouë ou verge d'un ordre faisant un mouvement de dix figures arithmétiques, fait mouvoir sa prochaine d'une figure seulement.
Après tous lesquels essais auxquels il a employé beaucoup de temps et de frais, il seroit enfin arrivé à la construction d'un modèle achevé qui a été reconnu infaillible par les plus doctes mathématiciens de ce temps, qui l'ont universellement honoré de leur approbation et estimé très utile au public.
Mais, d'autant que ledit instrument peut estre aisément contrefait par des ouvriers, et qu'il est néanmoins impossible qu'ils parviennent à l'exécuter dans la justesse et perfection nécessaires pour s'en servir utilement, s'ils n'y sont conduits expressement par ledit Sr Pascal, ou par une personne qui ait une entière intelligence de l'artifice de son mouvement, il seroit à craindre que, s'il étoit permis à toute sorte de personnes de tenter d'en construire de semblables, les défauts qui s'y rencontreroient infailliblement par la faute des ouvriers, ne rendissent cette invention aussi inutile qu'elle doit estre profitable estant bien exécutée.
C'est pourquoi il désireroit qu'il nous plût faire défenses à tous artisans et autres personnes, de faire ou faire faire ledit instrument sans son consentement, nous suppliant, à cette fin, de lui accorder nos lettres sur ce nécessaires.
Et parce que ledit instrument est maiintenant a un prix excessif qui le rend par sa cherté, comme inutile au public, et qu'il espère le réduire à moindre prix et tel qu'il puisse avoir cours, ce qu'il prétend faire pour l'invention d'un mouvement plus simple et qui opère neanmoins le même effet, à la recherche duquel il travaille continuellement, et en y stylant peu a peu les ouvriers encore peu habituez, lesquelles choses dépendent d'un temps qui ne peut estre limité.
A ces causes, desirant gratifier et favorablement traitter ledit Sr Pascal fils, en considération de sa capacité en plusieurs sciences, et surtout aux Mathématiques, et pour l'exciter d'en communiquer de plus en plus les fruits à nos sujets, et ayant égard au notable soulagement que cette machine doit apporter à ceux qui ont de grands calculs à faire, et à raison de l'excellence de cette invention, nous avons permis et permettons par ces présentes signées de notre main, au dit Sr Pascal fils, et à ceux qui auront droit de luy, dès à présent et à tousjours, de faire construire ou fabriquer par tels ouvriers, de telle manière et en telle forme qu'il avisera bon estre, en tous les lieux de notre obéissance, ledit instrument par luy inventé, pour compter, calculer, faire toutes Additions, Soustractions, Multiplications, Divisions et autres Règles d'Arithmétique, sans plume ni jettons; et faisons très expresses défenses à toutes personnes, artisans et autres, de quelque qualité et condition qu'ils soient, d'en faire, ni faire faire, vendre, ni débiter dans aucun lieu de nostre obeissance, sans le consentement dudit Sr Pascal fils, ou de ceux qui auront droit de luy, sous pretexte d'augmentation, changement de matière, forme ou figure, ou diverses manières de s'en servir, soit qu'ils fussent composez de rouës excentriques, ou concentriques, ou parallèles, de verges ou bastons et autres choses, ou que les roues se meuvent seulement d'une part ou de toutes deux, ny pour quelque deguisement que se puisse estre; mesme à tous étrangers, tant marchands que d'autres professions, d'en exposer ni vendre en ce Royaume, quoiqu'ils eussent esté faits hors d'icelluy: le tout à peine de trois mille livres d'amende, payables sans deport par chacun des contrevenans et applicables un tiers à nous, un tiers à l'Hostel-Dieu de Paris, et l'autre tiers audit Sr Pascal, ou à ceux qui auront son droit; de confiscation des Instruments contre faits, et de tous depens, dommages et interests.
Enjoignons à cet effet à tous ouvriers qui construiront ou fabriqueront lesdits instrumens en vertu des présentes d'y faire apposer par ledit Sr Pascal, ou par ceux qui auront son droit, telle contremarque qu'ils auront choisie, pour témoignage qu'ils auront visité lesdits instruments, et qu'ils les auront reconnus sans defaut.
Voulons que tous ceux ou ces formalitez ne seront pas gardées, soient confisquez, et que ceux qui les auront faits ou qui en seront trouvés saisis soient sujests aux peines et amendes susdites: à quoy ils seront contraints en vertu des présentes ou de copies d'icelles duement collationnées par l'un de nos amez et feaux Consrs Secretaires, auxquelles foy sera ajoutée comme à l'original: du contenu duquel nous vous mandons que vous le fassiez jouir et user pleinement et paisiblement, et ceux auxquels il pourra transporter son droit, sans souffrir qu'il leur soit donné aucun empeschement.
Mandons au premier nostre huissier ou sergent sur ce requis, de faire, pour l'exécution des présentes, tous les exploits nécessaires, sans demander autre permission.
Car tel est nostre plaisir: nonobstant tous Edits, Ordonnances, Declarations, Arrests, Reglemens, Privilèges et Confirmations d'iceux, Clameur de haro, Charte normande et autres lettres à ce contraires, auxquelles et aux dérogatoires des dérogatoires y contenues, nous derogeons par ces présentes:
Données à Compiègne, le vingt-deuxiesme jour de May, l'an de grace mil six cent quarante-neuf, et de notre règne le septiesme.
Louis.
La Reine Régente,
sa mere,
présente.
Par le roy:
Phelipeaux,
gratis.
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