Les contenances de table

Poème II

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Se tu veulz estre bien courtois,

Gardes ces reigles en francois.

Assès souvent tes ongles roingne,

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Longs ongles font venir la roingne.

De tes ongles oste l'ordure,

Les avoir ors est grant laidure.

Lave tes mains devant disner.

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Et aussy quant vouldras soupper.

Aincois fais benedicite

Que prennes ta nécessité.

Seoir te peulz sans contredit

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Au lieu ou l'oste ce te dit.

De pain, de vin, tu dois peu prendre

S'autre vïande doibs actendre.

Le morsel mis hors de ta bouche

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A ton vaissel plus ne le touche.

Ton morsel ne touche a salière,

Car ce n'est pas belle manière.

Boy sobrement a toute feste,

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A ce que n'affolles ta teste.

Entre boire et ton vin tenir

Ne veulles long plait maintenir.

Se tu fais souppes en ton verre,

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Boy le vin ou le gette a terre.

Ne boy pas la bouche baveuse,

Car la costume en est honteuse.

Se tu te veulx faire valoir,

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Sobre parler tu dois avoir.

Il est conseillé en la Bible

Entre les gens estre paisible.

Ne parles point la bouche pleine,

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Car c'est laide chose et vileine.

Après moustre toy liez tous diz ;

Ne habunde trop en vains dits.

S'on oste le plat devant toy,

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N'en faiz compte et t'en tais coy.

De ta touaille ne faiz corde,

Honnesteté ne s'y accorde.

En plain disner ou en la fin,

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N'efforce l'oste de son vin.

Et ne rempliz pas si ta pance

Qu'en toy n'ait belle contenance.

Ne faiz pas ton morsel conduire

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A ton coustel qui te peult nuyre.

S'entour toy a de gens grans roucte,

Garde que ton ventre ne roupte.

Regarde a la table et escoute,

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Et ne te tiens pas sur ton coulte.

Ne touche ton nez a main nue

Dont ta viande est tenue.

Ne torche de nappe tes dens

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Et si ne la mes point dedens.

Ne offre a nully, se tu es saige,

Le demourant de ton potaige.

Tiens devant toy le tablier net ;

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En ung vaissel ton relief met.

Tiens toy nettement et regarde

Comment a toy chacun prent garde.

Ne mouche hault ton nez a table,

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Car c'est ung fait peu aggreable.

Ne frotte tes mains ne tes bras

L'un a l'autre, ne a tes draps.

Oultre la table ne crache point ;

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Je te diz que c'est ung lait point.

Ne furge tes dens de la pointe

De ton coustel, je le t'apointe.

Se on met lettres en ta main,

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Mes les tantost dedens ton sein.

Garde toy bien de conseiller

A table, ne de sommeiller.

Se tu es servy de frournage,

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Si en prens pou, non a oultraige

Et se tu es servy de nois,

N'en mengeüe que deux ou troys.

S'on sert de fruit devant lever,

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N'en mengeue point sans le laver.

Quant ta bouche tu laveras,

Ou bacin point ne cracheras.

Quant tu rendras grâces a Dieu,

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Sy te tiens en ton propre lieu.

N'oublie pas les trespassez

Qui de ce monde sont passez.

A ton hoste dois mercy rendre,

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De t'en aler dois congié prendre.

Se on te fait boire après grâces,

Soit en hanap, ou verre, ou tasses,

Laisse premier boire ton hoste

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Et boy après quant on lui oste.

Après peulx dire a haulte voix :

A Dieu vous commans, je m'en vois.

Qui a ces ditz bien pensera,

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A table plus saige en sera.

De seoir a table n'est digne

Qui d'aucun bien ne porte signe.